RÉPARER L’IRRÉPARABLE
FASCINANTE TRAJECTOIRE que celle du docteur Denis Mukwege, ce médecin qui vit toujours protégé par les Casques bleus dans son hôpital du Kivu. Des centaines de femmes y sont passées après avoir été violées etatrocement mutilées par les soldats et miliciens des guerres de la RDC, aux confins du Rwanda et du Burundi. Dans L’Homme qui répare les femmes (la colère d’Hippocrate), le cinéaste belge Thierry Michel (Mobutu roi du Zaïre, Congo River, Katanga Business) et sa compatriote journalisteColette Braeckman retracent le parcours de ce réparateurdes corps et des âmes dans un pays où l’impunité des tortionnaires semble toujours la règle, malgré les procès(dont un est filmé, instructif). Des archives le montrent, excellent orateur, à Bruxelles comme à Washington, et des témoignages dans le Sud-Kivu racontent l’impensable devant les fosses communes ou au bloc opératoire. Une barbarie qui se renouvelle : aujourd’hui, les féticheurs désignent des fillettes de 2 ou 4 ans comme cibles des violeurs pour qu’ils trouvent la richesse, détruisant au passage leurs organes. Ce sont parfois les filles de celles que le docteur Mukwege avait pu reconstruire pour leur permettre d’enfanter. On constate aussi la force de cellesqui s’en sont sorties et qui, aujourd’hui, sont les meilleures militantes pour la paix et la justice, dans ce pays dont le réalisateur sait toujours aussi bien montrer les beautés, pour mieux regretter l’immense gâchis économiqueet humain qui s’y perpétue. Jean-Marie Chazeau