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mon carnet de route

Praia

Par François Belorgey
Publié le 1 février 2015 à 09h59
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Il a dirigé les centres culturels français de Lubumbashi, Dakar, Maputo, Alger et Praia. Son énergie et sa passion pour les scènes artistiques de chacune de ces villes ont fait de lui un personnage incontournable du continent.

« Qui ne part pas ne revient pas. » Cette phrase du poète capverdien Eugénio Tavares (mort en 1930) est gravée, en créole, sur un monumentà l’entrée de l’aéroport. La migration est ici perçue comme positive. Il faut dire que la survie de l’archipel en dépend : il y a plus de Capverdiens à l’étranger (700 000) que dans le pays (500 000) ! Ils sont au moins 400 000 aux États-Unis, 100 000 au Portugal, 40 000 en France, 20 000 au Sénégal, 10 000 au Luxembourg… Le résultat : une sodade – avec un « o » en créole – qui n’est qu’une lointaine cousine de la nostalgie portugaise.

L’île était une étape de ravitaillement pour les navires négriers, un monopole perdu au XVIIe siècle, quand la traite a suivi d’autres routes vers le Ghana et l’Angola. Elle en porte encore les vestiges. Cidade Velha, la vieille ville classée au patrimoine mondial de l’Unesco, et les racines africaines de Praia sont perceptibles dans bien des aspects de la vie courante : gastronomie, croyances, musique.

La ville regorge de petits bars et de terrasses. On y mange du thon ou de la murène. La catchupa est le plat national, c’est un ragoût de maïs et de haricots. Le restaurant A Grelha sert les meilleures grillades de poissons de la capitale. Et, dans les churrasqueiras, ces tavernes avec des barbecues au charbon de bois, on prépare aussi du poisson, du poulet et du cochon grillés.

Tout le monde connaît le répertoire des chansons populaires du Cap-Vert. Dans les baptêmes, les mariages, les fêtes ou encore les carnavals… la musique est partout. Il n’est pas rare non plus de tomber sur des tocatinhas (« faire des petites touches » au sens littéral), ces sessions improvisées chez les uns et les autres, accompagnées de l’indispensable grog – du rhum qui n’est pas consommé chaud, contrairement à ce que cette appellation pourrait laisser croire !

C’est un haut lieu de la fête. Le restaurant Quintal da Musica est géré par une association de musiciens, dont Mario Lucio, ex-leader du groupe Simentera et actuel ministre de la Culture. Kaku Alves, ancien guitariste de Cesaria Evora, a ouvert l’Espace Kaku dans un quartier populaire. Au Fogo d’Africa, une boîte de nuit, on danse au son du violon, typique de l’île de Fogo. Partout, la jeunesse bouge sur des rythmes de Ze Espanhol, de Legemia, ou sur du cabo love, une version langoureuse du zouk.

Capitale de 140 000 habitants, elle est la plus africaine des villes du Cap-Vert. Située à Santagio, l’une des dix îles de l’archipel, elle a été fondée par les navigateurs portugais, qui ont débarqué en 1460 sur ces terres volcaniques inhabitées. Ils ont rapidement établi à Cidade Velha, à 15 km de Praia, un entrepôt d’esclaves en provenance des régions qui correspondent aux actuels Sénégal, Gambie et Guinée-Bissau.

Le Plateau, en français, est le quartier historique, avec ses vieilles maisons de style portugais, sa rue piétonne et ses petites places. Pas ou peu de protocole au Cap-Vert : on peut côtoyer le Premier ministre au Café Sofia, rendez-vous des intellectuels et des touristes, ou croiser le président de la République à la boulangerie ! Dans cette petite ville où les gens savent être simples, tout le monde se connaît.

Tous les ans, le Kriol Jazz Festival rassemble les musiques atlantiques et permet de cultiver une relation spéciale avec le Brésil, ce grand pays lusophone à quatre heures de vol. Le succès des telenovelas déteint sur les goûts vestimentaires des jeunes générations et les prénoms en vogue. Quoi qu’il en soit, les Praienses comme les autres Capverdiens ne sont ni Portugais, ni Européens, ni Brésiliens, ni même Africains, mais un mélange de toutes ces influences !