Rokia Traoré
« Permettre aux artistes de créer »
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Publié le 20 février 2016 à 12h17
Propos recueillis par Astrid Krivian
La chanteuse poursuit inlassablement un périple musical original et novateur, entamé il y a près de vingt ans.
AM : C’est votre deuxième collaboration avec l’Anglais John Parish, qui avait aussi produit Beautiful Africa. Une façon d’ancrer encore plus vos compositions entre le rock anglais et la musique malienne ?
Rokia Traoré : Je suis Bambara, mes racines sont maliennes, mais j’ai grandi en voyageant, en déménageant souvent, sans cesse entre deux cultures [son père était diplomate, NDLR]. Et je suis imprégnée de la musique de Sory Kandia Kouyaté ou de Miriam Makeba par exemple, autant que de rock, de blues, de soul… C’est donc naturel chez moi de faire de la musique métissée. Nos collaborations avec John sont très fructueuses, basées sur le respect et l’admiration mutuels. Cette fois, j’ai choisi les musiciens, je voulais sortir un peu du Mali, voir ce qui se faisait ailleurs sur le continent. J’ai organisé des auditions et des jeunes de toute l’Afrique de l’Ouest sont venus. J’ai retenu le batteur burkinabé Moïse Ouattara et le bassiste ivoirien Matthieu N’Guessan.
Quelle place la musique a-t-elle au Mali aujourd’hui ?
À la base, la musique fait partie de la vie, on chante nos souffrances, nos espoirs, nos révoltes. On communique à travers la chanson. Le blues vient de là. Tout ça a beaucoup changé. La télévision a remplacé pas mal de choses, sans réellement apporter l’aspect éducatif et social que jouaient les arts auparavant. Il n’est pas facile de nos jours de définir ce qu’est la musique ici, elle est très écoutée, mais la manière de la consommer a été tellement bouleversée… Il est important que des lieux existent pour développer, structurer. Pour permettre aux artistes de créer, et au public de soutenir cette
industrie. L’informel prend une trop grande part dans ce marché-là… Il faut que la culture puisse avoir une place économique et sociale réelle, et ainsi maintenir son rôle capital au sein de la société.