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Expo

L’Algérie inédite

Par Loraine Adam
Publié le 3 mars 2016 à 09h59
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Cartes, peintures, photographies ou archives, ce rendez-vous qui se tient au Mucem, à Marseille, est la première exposition d’envergure consacrée à l’histoire du pays.
Jean-Yves Sarazin, l’un des deux commissaires instigateurs, est historien des villes et de la cartographie ancienne, spécialisé dans les questions liées aux empires coloniaux français. Directeur du département des cartes et plans, il est responsable d’une collection de 1 million de pièces, l’une des plus importantes au monde.
AM : Quel a été votre postulat de départ ?
À l’origine, il y a une interrogation sur les grands découvreurs européens mais aussi sur la relation des Occidentaux aux Africains du Nord. Le XVIIIe siècle européen, qui s’emparait des terres du monde et en recensait la faune, la flore et les hommes, ne parvenait pas à saisir les pays de l’autre rive de la Méditerranée, à trois ou quatre jours, à peine, de navigation. L’hostilité qui a longtemps régné dans cette région entre les puissances dites « chrétiennes » et « musulmanes » a constitué une ligne de front sur terre, sur mer et dans le regard sur le présumé adversaire. Même si, chaque jour, des navires marchands faisaient escale dans les ports d’Afrique du nord et participaient aux échanges économiques d’un bout à l’autre de la Méditerranée…
Comment s’est déroulée la collaboration avec l’autre commissaire, Zahia Rahmani, de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) de Paris ?
Nous avons tout mis en commun pour construire un projet unique et cohérent. Toutes les pièces sélectionnées ont fait l’objet d’un examen critique par les deux commissaires. Zahia Rahmani, responsable du programme de recherche « Arts et mondialisation », a contacté les artistes français (Raphaëlle Paupert-Borne), anglais (Jason Oddy) mais surtout algériens ou d’origine algérienne (Zineb Sedira, Mostafa Goudjil, Katia Kameli, Louisa Babari, Dalila Mahdjoub, Ahmed Zir, Hellal Zoubir), pour des prêts d’œuvres déjà réalisées ou inédites. Elle a également réussi à joindre les héritiers de Mohammed Dib et de Gaston Revel pour intégrer des photographies originales des années 1930 à 1950.
Que cherchiez-vous à montrer ?
Ce qui n’avait jamais été exposé, pour comprendre ce qui n’a que trop rarement été expliqué afin de rapprocher tous les héritiers de l’Algérie. Nous racontons l’histoire de la méconnaissance de ce territoire. Les Européens ont construit des poncifs que l’on retrouve dans toute l’iconographie antécoloniale et coloniale. L’Algérie doit être traitée du point de vue de l’architecture, de la faune, de la flore, des antiquités, de la cartographie et des mouvements artistiques. On explique la manière dont les Français ont pris connaissance, puis possession, du territoire ; la guerre d’Algérie de 1957 à 1962 n’en est qu’un chapitre. C’est une exposition d’art mais également de civilisation, d’histoire et surtout d’histoire des mentalités qui se défait de son plus gros défaut, l’européo-centrisme. propos recueillis par L.A.Mucem : « Made in Algeria – Généalogie d’un territoire », jusqu’au 2 mai 2016, Marseille. mucem. org