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ce que j’ai appris

CHEIKHLÔ

Par Sabine.CESSOU
Publié le 1 février 2015 à 09h46
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CHANTEUR ET COMPOSITEUR, SÉNÉGALAIS, 59 ANS.Figure atypique de la scène musicale africaine, cetartiste respecté mêle les rythmes locaux à diverses influences, des sonorités cubaines et jamaïcaines jusqu’au jazz… Il a sorti quatre albums depuis 1995, et prépare le cinquième pour cette année.

Enfant, j’ai grandi au Burkina Faso, qui s’appelait encore la Haute-Volta.
Je suis arrivé au Sénégal en 1968, à l’âge de 13 ans, pour suivre mes études secondaires. Je rejoignais mes parents à Bobo-Dioulasso pour les vacances. Toute l’Afrique de l’Ouest baignait alors dans la musique cubaine. Nos artistes en avaient une connaissance approfondie parce qu’ils avaient des bourses pour se rendre sur l’île. Écouter et pratiquer, telle était la méthode d’apprentissage… Voilà comment je me suis lancé moi aussi. J’étais passionné par la batterie et la guitare, ce qui a bouleversé mes études.

La musique est un métier noble et difficile. Mon père, qui était bijoutier, s’est montré compréhensif et m’a encouragé dans mon choix. Pour ma mère, cela a été plus compliqué. Il faut dire que les musiciens étaient mal vus au Sénégal, ils passaient pour de mauvais garçons parce qu’ils jouaient dans les bars. Mais j’ai fait comprendre à ma mère que seule cette voie m’intéressait. J’étais têtu et ma famille a compris que l’on ne pourrait pas m’arrêter. Ensuite, ma mère en a tiré une certaine fierté. Elle a commencé à faire des prières pour moi.

J’ai passé quelques années à Marseille et à Paris entre 1984 et 1988.
J’étais souvent dans le quartier de Bastille, je jouais de la batterie en studio pour d’autres chanteurs. Comme je ne trouvais pas de producteur, je suis rentré au Sénégal. Et Youssou Ndour m’a découvert dans un petit cabaret de Dakar. Il a produit mon premier album international, Né La Thiass. Un vrai passeport pour tourner dans le monde entier ! J’ai participé à de grands festivals en Europe, aux États-Unis, en Afrique, en Australie… Je me souviens d’ailleurs d’un concert pour le Glastonbury Festival, en Angleterre, en 1997. Fela Kuti était programmé mais il était malade, c’était l’année de son décès. Dix jours avant le festival, on m’a contacté pour le remplacer. Près de 100 000 personnes campaient sous la pluie, ils portaient des bottes en caoutchouc. Le deuxième jour, au premier morceau de mon concert, le soleil est apparu. Yeah ! Sun is shining ! Cela a marqué tout le monde. C’est un moment sublime qui reste gravé dans ma mémoire.

J’ai réalisé quatre albums en dix-huit ans. Ce n’est pas beaucoup, surtout au Sénégal où les artistes sortent un disque par an. Se précipiter, ce n’est pas toujours bon. On parle de world music, mais toutes les musiques sont du monde par définition ! Mon style est africain, panafricain. L’Afrique de l’Ouest y est présente, et pas seulement le rythme du mbalax sénégalais. Je suis ouvert au jazz, au blues. Si ma musique plaît aux États-Unis et en Europe, c’est qu’elle est sans doute universelle.

C’est l’un de mes espoirs pour le troisième millénaire : que les sonorités africaines soient davantage connues à travers le monde. Aux artistes qui peuvent exporter leurs morceaux, je dis chapeau ! Quand on regarde dans le rétroviseur, il faut se rappeler que les gens ne connaissaient même pas la musique africaine dans les années 1950 ou 1960. Aujourd’hui, beaucoup d’Européens l’écoutent.

Je suis membre des Baye Fall, une branche de la confrérie mouride.
Je me rends au Magal tous les ans. La vie spirituelle compte beaucoup au Sénégal. Chaque individu porte une lueur en lui-même, une petite flamme intérieure qu’il faut attiser pour avoir de la lumière…