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113 : rappeurs d’ici et d’ailleurs

Par Michael.AYORINDE
Publié le 22 février 2011 à 22h50
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Le groupe a quasiment terminé l’enregistrement de son quatrième album, Universel, qui doit sortir en décembre. Et, avant la cavalcade promo-médiatique, nos trois rappeurs ont quartier libre. Résultat : en cette fin septembre, on a rendez-vous avec un tiers du 113, Rim’K en l’occurrence ! Frustrant, non ? « Pas un problème », rétorque la star. Son sourire serein dit tout, il dit qu’il y a les frères biologiques et puis ceux que l’on s’est choisis. Des « plus qu’amis » qui ont à ce point le même tempo de vie que l’on peut parler au nom des autres sans risquer de se tromper. « On est de la même ville, Vitry-sur-Seine [en banlieue parisienne, NDLR]. On se connaît depuis l’âge de 12 ans. On a même vécu les vacances en “colos” ! Puis on est tombés amoureux ensemble de la musique. Le 113, c’est plus qu’un groupe de rap, plus qu’une marque, c’est un état d’esprit. »

Le trio inoxydable naîtra en 1994. Sera un des noyaux durs du fameux collectif Mafia K’1 Fry. Et c’est en tant que 113 (numéro du bâtiment où ils ont passé leur jeunesse) qu’ils vont connaître la gloire. En 2000, leur premier album, Les Princes de la ville, fait un carton. 500 000 exemplaires vendus ! Une matrice à tubes. Du rap qui suit les codes comme le titre « Hold up », mais aussi un vrai petit chef-d’oeuvre, « Tonton du bled ». Humour, poésie et rap harissa. Une des chansons emblématiques du hip-hop français, à l’instar de « Bouge de là », de MC Solaar, « Qu’est-ce qu’on attend ? », de NTM ou « Je danse le Mia », d’IAM. Aussi la griffe d’un groupe qui sait d’où il vient et qui le remet à flow. L’Algérie pour Rim’K, le Mali pour Mokobé et les Antilles pour AP. Une singularité sur la scène hip-hop hexagonale, dont la majorité des stars est pourtant issue de l’immigration.

« Le rap français est trop influencé par les Américains. Faire parler nos racines nous donnerait une identité musicale très forte. » En tout cas, nos trois compères ne s’en sont pas privés à travers les deux albums suivants, 113 fout la merde (2002) et 113 degrés (2005). Et, bien sûr, à travers L’Enfant du pays, et Maghreb United, pérégrinations solos de Rim’K à travers les sons du Maghreb ; Mon Afrique, magnifique fruit de la passion de Mokobé pour ses origines ; ou le mégatube « Un gaou à Oran », hip-hop coupé et décalé par les soins du trio et du Magic System, en 2004. Autant de disques qui allaient leur assurer une immense popularité de Tunis à Abidjan. Universel devrait avoir le même assaisonnement. Rim’K nous confie en exclusivité les featurings lancés pour ce festin en 12 titres par nos « cuistots » des sons métissés : Flavor Flav, le légendaire membre de Public Enemy, Magic System, Amel Bent… et, surprise des chefs, le chanteur français nouvelle vague, Benjamin Biolay ! Après cette « mise en bouche », interview en forme de bilan de M. Rim’K, ambassadeur d’un groupe qui fête ses 16 ans de carrière.

AM : Le meilleur souvenir du 113 ?
RIM’K : Un concert à Vitry, en 1998. On était inconnus. Y avait 1 000 personnes au lieu des 250 prévues ! On s’est dit qu’on était en train de réussir quelque chose.

Votre plus grand regret ?
On a connu le succès trop jeunes. On avait dans les 20 ans en 2000 et on ne l’a pas bien savouré.

Votre plus grande « dinguerie » ?
À Alger, dans le stade du 5-Juillet, en 2002. On a traversé la salle en 504 décapotable, au milieu de 80 000 personnes en délire !

L’artiste avec qui vous auriez aimé travailler ?
Bob Marley. Le message, mec ! C’est le chanteur qui continue à mieux exprimer ce que l’on ressent.

Votre plus grande qualité ?
La générosité. On ne va peut-être pas passer pour des types modestes, mais on adore, en tournée, se donner quelques heures pour discuter avec nos fans, donner des interviews à une radio ou à un fanzine de quartier.

Votre plus grand défaut ?
La ponctualité (rires). Il nous est arrivé d’arriver avec deux heures de retard à un rendez-vous !

Votre plus grande déception ?
Le show-biz français. Que tu aies un disque d’or ou non, il faut toujours que tu repartes à zéro, à chaque album. C’est le sort des rappeurs.

Qu’aimeriez-vous lire à propos du 113, dans un ouvrage sur le hip-hop ?
« Le 113 a été le groupe le plus proche du peuple. » On distribue toujours nos flyers dans les rues, histoire de parler avec ceux qui nous écoutent. On aime se mélanger. On a banalisé la starification.

Votre plus grande victoire ?
Que notre musique ait traversé les frontières et soit connue sur deux continents, l’Afrique et l’Europe.

Votre plus grand album ?
Ce n’est pas un album, mais un maxisingle, Ni barreaux, ni barrières, ni frontières, paru en 1998. Ce sont toutes nos années de frustration que l’on avait projetées sur un CD. Notre journal intime, en quelque sorte.

Votre concert le plus mémorable ?
Les divers concerts à l’Olympia que nous avons pu faire. C’est là qu’on a ressenti nos plus fortes émotions. Quelle acoustique !

Votre plus belle rencontre ?
Zinedine Zidane, cette année. Il a une aura terrible ! On ne peut pas oublier 1998 et la Coupe du monde française. Il faut comprendre que notre génération ne croyait plus en rien. Tous les jeunes issus de l’immigration n’avaient pas eu l’enfance qu’ils auraient voulue. C’était l’époque de la double peine, de Pasqua, des skins racistes. Alors, quand on a vécu cette victoire au Mondial, avec des types comme Zidane ou Thuram… on peut dire qu’ils nous ont inspirés.

Le rêve que vous aimeriez réaliser ?
Que le 113 crée une fondation. Inscrire dans la réalité tout ce qu’on a pu faire passer dans nos messages. Que tout ça devienne autre chose que de la musique. On aimerait aider l’enfance, ici et en Afrique.

Propos recueillis par Jean-Michel Denis