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Culture

Yahima Torres, la Vénus cubaine

Par Michael.AYORINDE - Publié en février 2011
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Pour son premier rôle au cinéma, elle porte sur ses épaules le mythe de Saartjie Baartman, exhibée dans les foires d’Europe au xixe siècle, son squelette exposé dans un musée parisien jusqu’en 1974… avant d’être enfin enterré en Afrique du Sud, son pays.

Celui de Yahima, c’est Cuba. Elle y est née il y a trente ans, un père marin, une mère enseignante. Elle se destinait à des études de commerce quand elle a décidé de partir. Fuir le régime castriste ? Pas du tout. « J’avais toujours rêvé de venir en France. » Elle croise dans une rue de Belleville le réalisateur de L’Esquive. « C ’était près de chez lui, il m’a regardé, il a pris mon contact. Deux ans après, il faisait un casting pour la Vénus, je suis passée tout près, il s’est souvenu de moi. »

Pour que la jeune Cubaine aux formes rondes devienne la Vénus hottentote au fessier difforme, il lui a fallu prendre des kilos, mais aussi du muscle afin de danser comme celle qui croyait séduire l’Europe. Quelques rudiments d’afrikaner aussi, des cours de comédie, de danse : « J’avais acquis les bases à La Havane, mais un professeur de danse africaine m’a montré de nouveaux mouvements, et il m’a fallu donner beaucoup d’énergie pour retrouver l’esprit des danses tribales. » Un rôle très physique, et des scènes délicates, dans des maisons closes… « Autour de moi, les comédiens, l’équipe technique, Abdel surtout, ont fait que je n’étais jamais gênée. Il y avait beaucoup de respect. »

De cette Vénus morte à 26 ans, au corps disséqué au nom de la science, Yahima ne connaissait pas l’histoire. « Mais, bien sûr, entre Cuba et l’Afrique il y a tellement d’échanges que d’autres chez moi la connaissent. » Et d’ajouter, in memoriam : « Saartjie, c’était une artiste. Elle savait au fond d’elle-même qu’elle pouvait faire de belles choses. Mais, à cause de sa couleur, ses formes, son origine, on ne lui a pas laissé montrer ce qu’elle était vraiment. »

Pour Yahima, c’est le contraire : « Mon côté artiste était peut-être endormi, mais, après cette expérience, je ne demande qu’à recommencer ! Je continue à prendre des cours de théâtre et, après la sortie du film, j’attends des propositions ! » Le sourire éclate une dernière fois, les yeux brillent, et s’éloigne alors la silhouette callipyge d’une nouvelle étoile.

Par Jean-Marie Chazeau

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